Public Policies in Africa, Local Knowledge and Alternative Models of Knowledge Production
Question principale de recherche
Les connaissances locales ou endogènes sont-elles prises en compte dans la formulation, la mise en œuvre et l'évaluation des politiques publiques en Afrique ?
Résumé
Ce projet interroge la formulation, la mise en œuvre et l'évaluation des politiques publiques en Afrique, sous l'angle des savoirs locaux ou endogènes. Il illustre ou explique en quoi ou comment la production de savoirs alternatifs aux savoirs dominants est une condition de la transformation des politiques publiques et des politiques de développement en Afrique.
Aims
Ce projet vise à questionner la formulation, la mise en œuvre et l'évaluation des politiques publiques en Afrique, du point de vue des savoirs locaux ou endogènes, ainsi que les modes alternatifs de production des savoirs spécifiques aux sociétés africaines.
Cette recherche est innovante car la majorité des recherches sur les politiques publiques africaines ne prennent pas en compte les connaissances locales dans l'analyse du processus de production des politiques publiques. L'entrée par les savoirs locaux est une approche innovante qui nous permet de questionner la planification et la gestion des politiques publiques africaines d'une nouvelle manière. Elle permet de réconcilier l'analyse des politiques publiques avec le concept ou principe de justice cognitive, défini comme la reconnaissance active de la pluralité des savoirs en science (Visvanathan, 2009), et qui reflète un sentiment de malaise face à la domination d'une certaine vision du monde, issue des pays du Nord, sur d'autres formes de savoir, créant ainsi un déséquilibre.
Plus de la moitié d'un siècle après l'indépendance, et vu l'importance ou le rôle des politiques publiques sur le présent et l'avenir des sociétés, et vu que toutes les sciences rivales doivent se réunir dans une heuristique dialogique (Velden, 2006), et donc que les savoirs et technologies traditionnels ne doivent pas être mis en muselière, il devient légitime, comme ce projet vise à le faire, de questionner les politiques publiques à travers le prisme de la place ou de l'importance qu'elles accordent à ces savoirs locaux. Comme la définition politique d'un problème résulte toujours d'une construction collective directement liée aux perceptions, représentations, valeurs et intérêts des acteurs concernés par ce problème (Knoepfel et al., 2015), il est assez judiciarisé de questionner la gestion des savoirs endogènes à travers les processus, acteurs et arguments par lesquels les politiques africaines sont établies et mises en œuvre. Il est clair que les politiques africaines continuent d'être particulièrement façonnées par des interventions dictées par des considérations souvent externes aux contextes nationaux.
Portée
Ce projet, tout en ciblant les pays d'Afrique subsaharienne dans leur ensemble, réalisera une analyse approfondie de deux pays, le Sénégal et le Burkina Faso. En outre, les savoirs locaux seront appréhendés à la lumière des disciplines de la science moderne (agriculture, médecine et pharmacopée, environnement, mathématiques, etc.), mais aussi dans une perspective plus holistique, telle que définie par l'UNESCO (2005 : 233), c'est-à-dire comme "des connaissances, des interprétations, des systèmes sophistiqués de sens accumulés et développés par des peuples ayant une longue histoire d'interaction avec l'environnement naturel". Par conséquent, toutes les formes de savoirs locaux seront prises en compte, y compris celles qui sont parfois considérées comme du "folklore" ou des "savoirs sauvages".
Revue de littérature
Sur les savoirs locaux ou endogènes en Afrique, la littérature, bien que peu abondante, est relativement consistante (Ki-Zerbo, 1992 ; UNESCO, 2005 ; Nkoudou, 2015). Dans leurs travaux, Aikenhead et Ogawa (2007), Barnhardt et Kawagley (2005) et Moussavou (2012) attribuent certaines caractéristiques récurrentes à ces savoirs locaux : ils sont empiriques, socialement valorisés, associés à une vision holistique du monde, localement situés, dynamiques, associés à la spiritualité, régis par des cycles, relationnels et rationnels.
En Afrique, l'analyse des politiques publiques est un domaine relativement nouveau. Les premières recherches remontent principalement à 1990 avec les processus de décompression autoritaire et de libéralisation politique (Bruno Jobert et Pierre Muller, 1987 ; Médard, 1991 ; Bayart et al, 1997 ; Darbon, 2001). La discipline s'est donc naturellement tournée vers l'étude des transitions démocratiques telles que la stabilisation des cadres institutionnels et l'ouverture du système politique. Elle s'est ensuite tournée vers des questions épistémologiques et méthodologiques (Engueléguélé, 2000 ; Toko, 2008). L'omniprésence de références explicites ou implicites aux outils occidentaux et à la nature des États postcoloniaux a conduit les analystes à focaliser leur attention sur la pertinence des outils et des concepts pour rendre compte des dynamiques de l'action publique "ailleurs" (Artigas, 2014), plutôt que sur l'analyse du contenu des politiques nationales. Néanmoins, une nouvelle tendance semble émerger ces dernières années, qui tend à diversifier et à approfondir l'analyse des politiques mises en œuvre par les États africains. Les pôles d'attraction pour la recherche en Afrique sont principalement la santé et la tenure des terres (Delville, 1998, 2010 ; Eboko, 2015 ; Schlimmer, 2017), mais aussi l'environnement (Diallo, 2013), l'enseignement supérieur (Provini, 2016), les transports (Provini, 2016), et ainsi de suite.
Les politiques publiques en Afrique n'ont pas souvent été analysées en fonction de la place qu'elles accordent aux savoirs locaux ou endogènes. Cependant, l'idée de post-développement (Escobar, 2000 et 2007 ; Ziai, 2007) n'interprète plus le clivage Nord-Sud comme un signe que le Sud est à la traîne d'une norme supposée universelle incarnée par le Nord, mais plutôt comme un signe de la difficulté pour certains pays ou communautés du Sud de se développer selon leurs propres priorités, normes et valeurs, dans leur propre langue et d'une manière qui soit respectueuse de leur environnement de vie. En d'autres termes, les politiques de développement ne peuvent pas être dissociées de la place ou du rôle que les connaissances locales occupent dans la société et de la manière dont elles sont valorisées, y compris dans une perspective politique.
Méthodologie
La méthodologie est essentiellement basée sur la collecte de sources primaires et d'entretiens avec des acteurs stratégiques et des producteurs de connaissances endogènes. La collecte de sources primaires consiste en l'analyse de documents de cadrage politique, mais aussi d'études scientifiques et de sources médiatiques (discours, articles de presse, etc.). Le travail empirique est essentiellement qualitatif, sous la forme d'entretiens semi-directifs avec, d'une part, les acteurs en charge de l'élaboration et de la mise en œuvre des politiques publiques et, d'autre part, les producteurs de savoirs locaux. L'approche par entretien, combinée à l'analyse de certains textes écrits par les acteurs, permettra de comprendre les cadres normatifs et cognitifs dominants qui guident la production des politiques et de mieux analyser si les connaissances endogènes sont réellement prises en compte ou si elles orientent les choix politiques.
Critères de réussite
Ce projet sera un succès s'il peut illustrer ou expliquer en quoi ou comment la production de savoirs alternatifs aux savoirs dominants est une condition pour la transformation des politiques publiques et des politiques de développement en Afrique, dont de nombreuses études ont montré les limites.
The main results expected from this project will consist of (i) the publication of a research report and articles in scientific journals, (ii) participation in various scientific meetings (workshops, webinars, seminars, etc.), (iii) awareness-raising or advocacy with decision-makers (and in particular public decision-makers).