SDGs from Below

• Les ODD offrent-ils un outil de mobilisation progressive des mouvements sociaux ?
• Dans quelle mesure et de quelle manière médiatisent-ils la quête des mouvements sociaux mondiaux pour s'attaquer aux inégalités systémiques en vue d'un avenir juste ?

"SDGs from Below" introduit la question de l'orientation stratégique ascendante des objectifs et de l'élaboration des politiques dans un contexte international. Bien que l'agenda 2030 des ODD définisse des objectifs socio-politiques ambitieux, ceux-ci sont souvent dissociés d'autres revendications de justice formulées par les mouvements sociaux et souffrent de tensions profondes avec les objectifs écologiques qu'ils sont censés promouvoir. Nous affirmons qu'une perspective comparative, intersectionnelle et transnationale est nécessaire pour analyser le silent othering indirectement reproduit par les débats sur ce cadre institutionnel international. Notre intérêt est de comprendre comment les mouvements sociaux mondiaux modifient les débats sur la durabilité et comment les récits de justice émergents peuvent être influencés ou marginalisés par le cadre des ODD.

Les mouvements sociaux sont depuis longtemps à l'avant-garde du plaidoyer pour la transformation des relations sociales, économiques et politiques inégales. En tant que force de changement, ils mettent en lumière les conflits politiques et les relations de domination qui menacent de diviser encore plus des sociétés déjà divisées. Avec l'annonce des Objectifs de développement durable(ODD) comme cadre international pour aborder la durabilité du projet de développement et un certain nombre de ses problèmes connexes, un nouvel agenda de développement mondial est en train d'être réétudié. Les organisations de la société civile participent à la mise en œuvre ou agissent dans des contextes où les ODD sont formellement adoptés. Comme de nombreux cadres mondiaux avant eux, les ODD restent contestés: d'un côté, ils sont salués comme étant de grande envergure en raison de la myriade d'objectifs distincts qu'ils articulent et de leur caractère uniquely universel. D'autre part, leur nature non contraignante et leurs lacunes techniques représentent des défis majeurs pour garantir que les objectifs fixés en leur sein puissent être atteints. Ultimement, tout en invitant des acteurs de la société civile, ils sont principalement un projet dirigé par l'État qui, de plus, est fortement entrelacé avec le secteur privé pour atteindre une économie verte à long terme. Le projet se situe au carrefour des trois clusters de recherche du GPN. Il traite des modes de conduite de la coopération au développement, de l'interrogation de l'économie mondiale et de la problématisation de la production de connaissances. En plus de nos intérêts de recherche qui se chevauchent, chaque membre de l'équipe apporte avec elle un domaine d'expertise qui construit un domaine de spécialité dans le projet : justice de classe (Banse), justice de genre (Mageza-Barthel), justice raciale (Northover) et justice socio-écologique (Claar).

Dans leur forme actuelle, les ODD n'ont pas été rédigés d'en bas et ne modifient pas suffisamment les discours ou les politiques dans le Sud mondial. Nous soutenons que pour réaliser leur potentiel de transformation, l'agenda des ODD doit être guidé par des priorités de mouvement social. Le projet vise à examiner dans quelle mesure les ODD sont utilisés pour encadrer les revendications des mouvements sociaux dans leurs luttes locales et transnationales. Il entreprendra une comparaison de différents combats pour la justice sociale, leur référence aux SDGs et leur contribution à leur appropriation. Les principaux domaines concernés sont la justice de genre, la justice raciale/réparatrice, la justice socio-économique et la justice écologique.

Plutôt que de se référer aux objectifs individuels des ODD et à leurs indicateurs, le projet considère les ODD comme un ensemble de valeurs et de principes, ou un cadre destiné à renforcer l'égalité et l'équité au niveau mondial. Ce qui nous intéresse, ce sont les réseaux et alliances transnationaux qui possèdent un agenda distinct en matière de justice sociale et qui participent ou s'approprient le projet SDG au niveau mondial et/ou régional. Au sein de ces réseaux, nous trouvons également des organisations membres qui sont actives au niveau national, où elles font campagne pour ces objectifs spécifiques dans le cadre de leurs luttes plus larges.

Les ODD ont fait l'objet d'études sur le développement et de débats sur la politique internationale, la finance et les mouvements sociaux, où les différents domaines de l'agenda 2030 sont discutés de manière critique (voir Debiel 2018). La tension entre le potentiel des ODD et leur possible mise en œuvre informe autant le débat que leurs écueils et leur incapacité à transformer les relations mondiales (Brisset 2017 ; voir aussi Banse forthcoming). En tant que valeurs et principes, ils expriment une aspiration qui peut difficilement être satisfaite mais jouent un rôle important dans la mobilisation politique (Finnemore and Jurkovich 2020). Les cadres internationaux tels que les ODD deviennent saillants lorsqu'ils sont appropriés au niveau national et lorsqu'ils sont traduits dans les discours des mouvements sociaux. Face à la contestation, les mouvements sociaux poussent l'enveloppe des doctrines de justice acceptées plus loin et contestent les préceptes internationaux du bas vers le haut (Mageza-Barthel 2016). Actuellement, nous observons un débat croissant sur les dimensions de la "justice", y compris la question des différentes formes de justice et de relations possibles dans les revendications distributives, de reconnaissance, procédurales et de "justice fugitive" (par exemple Davis et al. 2019 ; Moore et Patel 2018 ; Jenkins et al. 2016 ; Best et Hartman 2005).

Les principaux obstacles à la réalisation du potentiel de transformation des ODD résident dans leurs prolongements coloniaux (Ziai 2016), ainsi que dans l'opposition aux normes établies en matière de droits humains, telles que l'égalité raciale et de genre, les droits humains, les droits des autochtones et les droits du travail, qui ont longtemps constitué le noyau de la mobilisation des mouvements sociaux (Beckles 2019 ; Shepherd and Reid 2019 ; Peet and Watts 2004 ; Sen 2019 ; Banse 2016). Ce qui est pertinent pour les mouvements sociaux qui tentent d'engager l'agenda des ODD par le bas, c'est la nature imparfaite des organisations internationales et des décideurs politiques qui reproduisent des asymétries de pouvoir persistantes à l'échelle mondiale. Les ODD sont-ils de vieux objectifs revêtus de nouveaux habits hégémoniques qui reproduisent une 'colonialité du pouvoir' (Quijano 2000) ou même une politique de 'noirceur abjecte' dans la quête du développement (Northover 2012) ? Les classes transnationales sont les principaux acteurs de ce développement dans la finance verte (Claar 2020). Dans des mouvements de longue date tels que les mouvements pour la justice sociale, le travail ou les femmes, où des succès majeurs dans la poursuite de la justice sociale ont été obtenus par la lutte politique et ont produit d'importantes avancées conceptuelles, ces points de vue peuvent être mis à mal dans la période actuelle (voir Cornwall et Rivas 2015 ; Mageza-Barthel 2019). Ultimement, cela conduit à une subordination et une marginalisation des acteurs, des voix et des expériences qui rendent tout agenda global incomplet et profondément problématique.

Afin d'analyser comment les mouvements sociaux se mobilisent autour des ODD ou s'en éloignent, nous entreprenons un processus de recherche qui implique différentes étapes/méthodes. Nos considérations méthodologiques incluent des engagements éthiques à respecter les réglementations pertinentes telles que prescrites par nos universités. La recherche empirique se fera principalement par le biais de méthodes de recherche qualitative et par des moyens numériques.

Le projet de recherche débutera par une revue de la littérature, et nous rédigerons un concept paper qui discutera des différentes perspectives de justice et de la manière dont les différents mouvements sociaux proposent des perspectives critiques différentes sur les objectifs des ODD. Ceci constituera la base d'un appel à communication pour une question spéciale et fournira un cadre pour guider les deux discussions de groupe prévues dans le réseau GPN, qui est une ressource unique en ce qui concerne les SDGs. Ceux-ci incluent la définition de leur agenda et leur mise en œuvre, les revendications de justice et les dimensions d'égalité, ainsi que les mécanismes financiers et les répercussions matérielles. Ces discussions de groupe seront complétées par des analyses de documents issus d' examens thématiques de l'agenda du développement durable. Dans la mesure du possible, les déplacements seront l'occasion de collecter des données empiriques, lorsqu'elles ne sont pas numérisées, ou de consulter des experts sur le sujet.

Sur la base du document conceptuel, le projet vise à se conclure par une publication scientifique, c'est-à-dire une édition spéciale dans une revue diffusée à l'échelle internationale. Un autre résultat possible serait une proposition de financement pour prolonger l'étude.